Je me mets donc à suivre Raphael dans le couloir. L’odeur de poussière et de vieux bois emplit mes narines, mais mon ouïe capte autre chose : un léger bourdonnement au loin, des bruits de voix, une musique discrète.
Au bout du couloir, il pousse une seconde porte.
Ce que je découvre derrière me frappe immédiatement.
Une salle élégante, baignée d’une lumière tamisée. Des tableaux somptueux aux murs, des canapés en velours éparpillés dans la pièce, et une dizaine de personnes, toutes vêtues avec raffinement, discutant à voix basse, un verre à la main.
Mais ce ne sont pas des humains.
Je le ressens au plus profond de mon être.
Mon regard balaye les lieux ainsi que les personnes présentes. J’essaie d’être le plus discret possible pour ne pas paraître irrespectueux.
Chaque regard que je croise brille d’une intensité surnaturelle. Certains me jaugent discrètement, d’autres m’ignorent complètement, comme si ma présence n’avait aucune importance.
Raphael s’approche d’un bar où un homme élégant en costume sert un liquide sombre dans une coupe en cristal. Il en attrape deux et m’en tend une.
« Du sang. Mais raffiné, travaillé. Ici, nous ne buvons pas comme des bêtes. »
Il trinque légèrement avec moi et porte son verre à ses lèvres.
« Bienvenue dans la société vampirique, Gabriel. Et bienvenue au Nocturne. »
Je porte le verre jusqu’à mes lèvres et me délecte d’une petite gorgée qui me fait frissonner.
Il m’observe un instant, laissant le poids du moment s’installer.
« Dis-moi… que vois-tu, autour de toi ? »
Un premier test. Une première leçon.
Au moment où il pose sa question, je jette de nouveau un œil autour de moi avant de répondre :
« Je vois des personnes comme nous, qui ont les mêmes besoins de sang que nous. La différence avec moi, c’est qu’elles ont l’air d’être de ce monde depuis bien plus longtemps que moi, et d’en connaître parfaitement les codes. »
Raphael incline légèrement la tête, appréciant visiblement ma réponse.
« Bien vu. Ici, personne n’est innocent. Chacun a sa place, son rôle, son ambition. Certains sont là pour la politique, d’autres pour l’art, d’autres encore pour tisser des alliances… ou en briser. »
Il sirote lentement son verre, me laissant digérer ces paroles.
« Mais au-delà de ça… regarde bien. »
Il m’invite d’un geste à analyser plus attentivement la salle.
Je remarque d’abord une femme assise dans un fauteuil de velours pourpre, un homme à genoux devant elle, comme en adoration. Son sourire est froid, amusé, tandis qu’elle caresse distraitement sa joue. Une séduction teintée de domination.
Plus loin, un duo discute à voix basse, leurs regards fuyants, jetant parfois des coups d’œil nerveux vers une silhouette solitaire au fond de la salle : un homme en costume strict, impassible, qui semble voir tout sans jamais bouger.
Et enfin, près du bar, un vampire d’un certain âge, à l’élégance indiscutable, semble être le centre d’attention d’un petit groupe qui l’écoute avec un respect non feint.
Raphael suit ton regard et sourit.
« Les prédateurs ne se battent pas toujours avec leurs crocs, Gabriel. Ici, les armes sont plus subtiles : le pouvoir, le charme, l’information. Chacun essaie de gravir les échelons, d’imposer sa volonté sur les autres. Et toi… »
Il se tourne vers moi, son sourire s’étirant légèrement.
« Tu es un inconnu. Ce qui signifie que tu es une énigme. Et une énigme, ça attire l’attention. »
Il me désigne subtilement l’homme en costume strict, qui me fixe désormais sans ciller.
« Et je crois que tu en as déjà intrigué un. »
L’homme se lève et s’approche lentement de nous.
« Prépare-toi, mon cher Gabriel. Voici venir Anton Devereux, un homme dont l’avis compte dans cette ville. Il voudra savoir qui tu es, d’où tu viens, et surtout… ce que tu veux. »
Raphael me jette un dernier regard, presque amusé.
« Réfléchis bien à ce que tu lui diras. C’est ta première impression qui définira ton avenir. »
Anton s’arrête à quelques pas de moi, son regard perçant analysant chacun de mes mouvements.
« Tu es le nouveau-né, c’est bien ça ? »
Sa voix est posée, autoritaire, mais pas encore hostile. Il attend ma réponse.
Mes mains se crispent légèrement, ne sachant pas à qui j’ai affaire. J’essaie de clarifier mon esprit et de dissimuler mon appréhension :
« Enchanté Mr Devreux. Effectivement, je pense que ce n’est pas difficile à deviner vu mon attitude et le fait que je ne sais pas vraiment ce que je suis censé faire ici. » lui répondis-je avec un rire nerveux.
Anton Devereux m’observe avec une intensité glaciale, son visage restant impassible face à mon rire nerveux. Pourtant, je perçois une lueur fugace dans ses yeux, comme s’il évaluait déjà ce qu’il pouvait faire de moi.
« Un nouveau-né qui admet son ignorance. C’est au moins une preuve d’honnêteté. »
Il croise les mains dans son dos, sa posture impeccable, et me jauge un instant de silence pesant. Puis, il jette un bref regard vers Raphael.
« Et toi, tu l’as pris sous ton aile ? »
Raphael hausse légèrement les épaules, son éternel sourire aux lèvres.
« Je lui évite simplement de commettre des erreurs irréparables. Tu sais à quel point notre société est… peu clémente avec les jeunes inconscients. »
« En effet. »
Anton reporte son attention sur moi.
« Sais-tu ce qui t’attend, Gabriel Lenoir ? Sais-tu ce que signifie exister parmi nous ? »
Son ton n’a rien de bienveillant, mais il n’est pas agressif non plus. C’est une question posée avec l’attente d’une réponse claire.
Un poids grandissant s’installe sur mes épaules.
« Je ne sais pas vraiment ce qui m’attend ici. Je suis preneur de tout conseil pour éviter toute bévue. »
Anton incline légèrement la tête, satisfait de ma réponse.
« Tu es lucide. C’est un bon début. »
Il fait un pas de côté et laisse son regard balayer la pièce avant de se poser à nouveau sur moi.
« Nous existons dans un monde qui ne doit jamais savoir que nous sommes là. Les humains sont nombreux, nous sommes peu. Leur peur pourrait nous anéantir s’ils découvraient la vérité. C’est pourquoi nous vivons selon des règles strictes. La plus importante d’entre elles… »
Il me fixe intensément.
« La Mascarade. »
Ce mot résonne en moi comme une sentence.
« Tu ne dois jamais révéler ta nature. Ni par tes paroles, ni par tes actes. Ce n’est pas une suggestion, c’est une loi. Une loi dont la violation entraîne la seule sentence possible : la mort. »
Son ton est tranchant, chaque syllabe pesant sur moi comme un avertissement.
« Nous sommes une société secrète, régie par une hiérarchie. Certains d’entre nous commandent, d’autres obéissent. Et tous ont des ambitions. Y compris toi, je suppose. »
Il croise les bras, comme pour mieux m’observer.
« Alors dis-moi, Gabriel Lenoir… maintenant que tu fais partie des nôtres, que comptes-tu faire de cette nouvelle existence ? »
« Actuellement, mon but premier est de survivre, mais si je peux en profiter également pour découvrir l’identité de mon Sire afin de connaître les raisons qui l’ont poussé à me transformer, ça répondrait déjà à beaucoup de mes questions. »
Anton m’observe longuement, comme s’il pesait le poids de mes mots. Il ne montre aucun signe d’approbation ou de mépris, mais quelque chose dans son regard me dit qu’il enregistre chaque détail de ma réponse.
« Survivre est un instinct. Un bon début, mais insuffisant. »
Il marque une pause, puis reprend d’un ton mesuré :
« Quant à ton Sire… »
Il jette un regard furtif à Raphael avant de reposer ses yeux perçants sur moi.
« S’il t’a abandonné sans t’expliquer les règles de notre monde, c’est un crime en soi. Un enfant laissé à l’abandon est un danger pour nous tous. Ce qui signifie que si quelqu’un t’a engendré ainsi… soit il a voulu se débarrasser de toi après coup, soit il voulait te mettre dans une situation désespérée. »
Ses mots sont lourds de sous-entendus.
« Je vais me renseigner. Savoir si un nouveau-né non déclaré a été signalé dans la ville. »
Je le remercie d’un petit signe de la tête.
Il se redresse légèrement, me jaugeant une dernière fois.
« Mais en attendant, tu ferais bien de te trouver une utilité. Ce monde n’a pas de place pour les âmes errantes. »
Il incline légèrement la tête en signe de conclusion et s’éloigne sans un mot de plus, disparaissant dans la foule de vampires qui continuent de converser à voix basse.
Je le salue poliment en me baissant légèrement, dans une sorte de petite révérence.
Raphael, qui était resté silencieux tout du long, esquisse un sourire amusé et boit une gorgée de son verre.
« Eh bien, tu as survécu à ton premier échange avec Anton. Félicitations. »
Il s’appuie contre le bar et me regarde avec une certaine curiosité.
« Il va sûrement chercher des informations pour toi. Mais en attendant, il a raison sur un point : tu dois trouver une place ici. Tu peux jouer les solitaires, mais crois-moi, ce n’est jamais une bonne idée. »
Il me désigne plusieurs groupes dans la salle.
« Tu as plusieurs options. Tout dépend de la manière dont tu veux t’intégrer. »
« J’ai l’impression que le duo qui discute a l’air préoccupé par quelque chose. Peut-être que si j’allais à leur rencontre, je pourrai en apprendre plus et peut-être les aider d’une manière ou d’une autre ? Que sais-tu sur eux avant que j’aille les voir ? »
Raphaël suit mon regard et observe le duo en question avec un léger sourire en coin.
« Bonne intuition. Ces deux-là sont Mathias et Elise. Ils sont souvent plongés dans des affaires… compliquées. »
Il prend une gorgée de son verre avant de continuer :
« Mathias est un Brujah, du genre nerveux et explosif. Pas étonnant qu’il soit préoccupé, il l’est tout le temps. Elise, en revanche, est une Ventrue. Elle a l’habitude de garder son sang-froid, mais si elle a l’air aussi tendue que lui, c’est que le problème est sérieux. »
Il tourne la tête vers moi et arque un sourcil amusé.
« Tu veux jouer les bons samaritains et leur proposer ton aide ? C’est audacieux pour un nouveau-né. Mais qui sait… peut-être que ça te mènera quelque part. »
Il se redresse et me fait signe d’y aller.
« Si tu veux savoir ce qui les tracasse, il va falloir être malin. Les intrigues ne se dévoilent jamais d’elles-mêmes dans ce monde. »
Je m’éloigne du bar et m’approche doucement du duo en regardant à quoi ils ressemblent, leur aspect physique et la manière dont ils sont habillés tous les deux.
Mathias est un homme au physique athlétique, la mâchoire carrée et les traits durs. Ses cheveux bruns sont coupés courts et décoiffés, et il porte un blouson en cuir usé sur un t-shirt sombre. Ses poings sont légèrement crispés, comme s’il était prêt à en découdre à tout moment.
Elise, en revanche, incarne l’élégance et la retenue. Grande et élancée, elle a des cheveux blonds impeccablement attachés en un chignon serré. Son tailleur bleu nuit est ajusté à la perfection, et un parfum discret flotte autour d’elle, une senteur légèrement boisée qui rappelle le luxe.
Dès que j’arrive à portée d’oreille, je capte quelques bribes de leur conversation :
« …si c’est vrai, on est dans la merde.«
« …je te dis qu’il faut attendre, on ne sait pas encore tout.«
Quand ils remarquent ma présence, leur discussion s’interrompt brusquement. Mathias, les bras croisés et le regard méfiant, me fixe. Elise, plus posée, incline légèrement la tête en me scrutant avec curiosité.
« Et toi, le nouveau, qu’est-ce que tu veux ? » demande Mathias, son ton sec et direct.
Elise, plus diplomate, ajoute avec un léger sourire :
« C’est rare de voir un jeune aussi curieux. Tu as quelque chose à nous dire, Gabriel ? »
« Excusez-moi de vous déranger. Effectivement, comme toute l’assemblée ici l’a remarqué, je suppose, je suis nouveau. Je ne connais pas grand monde et je voulais pouvoir me faire quelques contacts qui pourraient me donner des conseils en tant que nouveau-né et puis je vous ai vu un petit peu préoccupé de loin, et je me suis dis que peu importe ce qui vous tracassait, même si vous ne souhaitez pas trop m’en dire, peut-être qu’un regard nouveau sur la question pourrait vous aider ? »
Mathias et Elise échangent un regard rapide. Je vois une lueur de méfiance dans les yeux du Brujah, tandis qu’Elise affiche un sourire poli, mais légèrement amusé. Ses yeux bleus perçants semblent m’analyser comme si elle pesait chaque mot que je venais de prononcer.
Elle est la première à répondre, sa voix douce mais maîtrisée :
« Un regard nouveau, dis-tu ? C’est une approche intéressante… »
Mathias, lui, ricane légèrement, secouant la tête.
« T’as de l’audace, je te le reconnais. Mais les affaires dans lesquelles on met les pieds, c’est pas vraiment pour les âmes naïves. »
Elise lève une main élégante pour tempérer son camarade avant de me regarder à nouveau.
« Dis-moi, Gabriel… si tu nous aides, que cherches-tu en retour ? Les contacts, comme tu dis ? Une place parmi nous ? Ou simplement satisfaire ta curiosité ? »
Elle pose la question avec une douceur presque hypnotique, mais je ressens qu’elle teste mon honnêteté, cherchant à deviner mes véritables intentions.
« La seule chose que je cherche en retour, ce sont justement des contacts. Des personnes suffisamment de confiance qui m’aident à comprendre ce nouveau monde et à m’y faire une place. Dans mon ancienne vie, j’étais un paria pour la société et maintenant que j’ai l’occasion d’écrire une nouvelle histoire, je veux pouvoir m’intégrer, avoir des gens sur qui compter, et ne pas me sentir une nouvelle fois rejeté. Si tel devait être le cas, autant en finir de suite. Je ne suis pas là pour rejouer la même vie qu’auparavant. Je veux juste faire partie de quelque chose cette fois-ci. »
Je réprime un tremblement car repenser à mon ancienne vie en ces termes me met profondément mal à l’aise. Tout ce que j’entrevois de ce passé, c’est un échec cuisant.
Elise m’observe attentivement pendant que je parle. Pendant un instant, son masque de froideur semble vaciller, laissant entrevoir une lueur d’intérêt sincère. Mathias, lui, a cessé de ricaner. Il me regarde maintenant avec un regard plus sérieux, presque respectueux.
Un silence s’installe entre nous trois. Puis, Elise incline légèrement la tête, comme si elle venait de prendre une décision.
« Un paria dans son ancienne vie qui cherche une place ici… » murmure-t-elle, pensive. « C’est une motivation plus sincère que ce que j’ai l’habitude d’entendre. »
Mathias croise les bras et lâche un soupir.
« Putain, Elise, on va vraiment le mêler à ça ? »
Elle lui lance un regard appuyé.
« Pourquoi pas ? Un regard neuf, c’est parfois exactement ce dont on a besoin. »
Elle reporte son attention sur moi, cette fois avec une expression plus calculatrice.
« Très bien, Gabriel. Tu veux être utile et te faire une place ? Alors écoute bien. »
Elle jette un regard rapide autour d’elle, s’assurant que personne ne les écoute, avant de se pencher légèrement vers moi.
« Un de nos contacts a disparu. Un mortel. Quelqu’un qui… travaillait avec nous. »
Mathias intervient, agacé :
« Et ce qui nous inquiète, c’est qu’il savait des choses sur notre monde. Des choses qu’il n’aurait jamais dû savoir. »
Elise poursuit d’une voix plus mesurée :
« Si quelqu’un l’a enlevé ou l’a fait disparaître, il y a deux possibilités : soit c’est un de nos semblables qui veut nous nuire, soit ce sont des chasseurs. Dans tous les cas, c’est un problème. »
Elle prend une gorgée de son verre avant de me fixer avec intensité.
« Si tu veux nous prouver que tu n’es pas un poids mort et que tu es prêt à t’intégrer, trouve-moi une piste sur cette disparition. »
Mathias secoue la tête avec un sourire en coin.
« C’est bien beau tout ça, mais il sait même pas par où commencer. »
Elise arque un sourcil.
« Justement, on va voir s’il sait se débrouiller. »
Elle sort une carte de visite et la fait glisser vers moi sur la table. J’y vois un nom : « Vincent Morel », avec une adresse dans un quartier du centre-ville.
« C’était son dernier lieu connu. Vois ce que tu peux y trouver. »
Elle me regarde, attendant ma réaction.
Mathias, lui, croise les bras et ajoute :
« Et un conseil, nouveau : sois prudent. Si ce sont des chasseurs, t’approcher de trop près pourrait être la dernière connerie que tu fais. »
J’écoute attentivement tout ce qu’Elise et Mathias me disent.
Au moment où Mathias parle de « Chasseurs », mes yeux s’écarquillent :
« Des Chasseurs ? Mais je pensais que votre existence … »
Je me racle la gorge en m’apercevant que je ne m’étais pas inclus dedans alors que maintenant, tout comme eux, j’appartiens à ce monde des ténèbres.
« … enfin, notre existence, n’était connue de personne d’autres que nos semblables ? Ce sont des humains qui nous pourchassent ? A t’entendre Mathias, ils ont l’air assez féroces … »
Je tends la main et récupère la carte de visite tendue par Elise et la tourne dans les deux sens pour y lire les informations inscrites dessus.
Elise croise les jambes et prend un air pensif pendant que Mathias soupire en croisant les bras.
« Bien sûr qu’il existe des chasseurs, Gabriel. On n’est pas aussi secrets qu’on aimerait le croire. » Mathias grogne. « L’humanité a toujours eu des moyens de nous repérer. Certains sont bien mieux organisés qu’on ne le voudrait. »
Elise reprend, plus mesurée :
« Il existe des sociétés discrètes qui traquent les nôtres depuis des siècles. Le Vatican a des agents spécialisés, certaines agences gouvernementales sont au courant et… il y a aussi des indépendants. Des fanatiques, des héritiers de lignées de chasseurs, ou même d’anciens humains qui ont survécu à une attaque et qui ont juré de nous exterminer. Certains sont incompétents, d’autres sont mortels. Nous ne savons pas encore dans quelle catégorie tombe celui ou ceux qui ont pu s’en prendre à Vincent. »
Mon attention se reporte ensuite de nouveau sur eux, me demandant dans quoi est-ce que j’étais en train de mettre les pieds :
« Ce Vincent Morel, qu’est ce que vous pouvez me dire de plus sur lui ? Quelles étaient ses habitudes, ses centres d’intérêts, … Tout ce qui pourrait m’aider dans mon enquête. Hormis vous, il avait des proches qu’il fréquentait souvent ? »
Elle boit une autre gorgée avant de répondre à ma seconde question.
« Vincent Morel était un journaliste d’investigation. Un bon, même. Il s’intéressait aux affaires louches, aux scandales… et parfois, il mettait le nez là où il ne fallait pas. Nous avions un arrangement avec lui. Il nous informait sur certaines menaces, nous l’aidions à se protéger et à trouver des scoops. Bien sûr, il ne savait pas tout sur nous… mais il en savait assez pour être dangereux, si son dossier tombait entre de mauvaises mains. »
Mathias hoche la tête et ajoute d’un ton grave :
« Et ce con avait une mauvaise habitude : il gardait des notes. Beaucoup de notes. Si quelqu’un l’a enlevé ou tué, il a peut-être laissé des preuves derrière lui. »
Elise poursuit, un brin plus inquiète :
« Quant à ses proches… il n’était pas du genre à trop s’attacher. Mais il avait une source récurrente, une femme prénommée Amélie Rochefort. Elle bossait dans les milieux associatifs, aidant les sans-abris et les victimes d’injustices sociales. Si quelqu’un savait sur quoi Vincent travaillait ces derniers jours, c’est elle. »
Elle me regarde fixement.
« Je te conseille de commencer par l’adresse sur cette carte. Peut-être que son appartement a encore des indices. Mais si tu veux plus d’informations avant de prendre des risques, Amélie pourrait être une bonne piste. »
Mathias secoue la tête.
« Encore faut-il que la fille parle… ou qu’elle soit encore en vie. »
« Je comprends, je vais être prudent alors … Avant de me jeter dans le grand bain, pour peu que son appartement soit surveillé, je vais commencer par rencontrer Amélie Rochefort qui pourra peut-être me donner des pistes supplémentaires, et je partirai ensuite fouiller l’appartement de Vincent. » M’adressant à Elise qui me paraît être la plus calme et la plus mesurée de mes deux interlocuteurs : « Et si j’ai besoin de vous joindre, je m’y prends comment ? J’imagine que vous avez des téléphones, certainement jetables, pour communiquer ? »
Elise esquisse un sourire en coin, visiblement satisfaite de mon pragmatisme. Elle glisse la main dans la poche de son blazer et en sort un petit téléphone à clapet, qu’elle ouvre avant de taper rapidement quelque chose.
Quelques secondes plus tard, mon propre téléphone vibre légèrement dans ma poche.
« Numéro masqué, évidemment. » dit-elle en refermant le sien. « Si tu trouves quelque chose d’urgent, envoie juste un SMS avec un mot-clé clair, pas de roman. Genre ‘Problème’, ‘Indice’, ‘Rendez-vous’… et évite de m’appeler si ce n’est pas une question de vie ou de mort. Je déteste ça. »
Mathias ricane et ajoute :
« Et si jamais tu tombes sur un problème que t’arrives pas à gérer, rappelle-toi qu’on t’a prévenu. »
Elise lève les yeux au ciel, puis me regarde à nouveau avec sérieux.
Je lui réponds : « Merci pour le numéro. C’est bien compris. Je serai sur mes gardes. »
« Fais attention à qui tu poses des questions. Si quelqu’un a voulu faire disparaître Vincent, il y a une raison. Les gens qu’il côtoyait pourraient être surveillés… ou pire. »
Elle me tend ensuite un petit papier griffonné à la main. Dessus, une adresse.
« C’est là où travaille Amélie Rochefort. Un centre d’aide aux sans-abris dans le quartier de Saint-Paul. Essaye de la trouver et de voir ce qu’elle sait. Mais si quelque chose te semble louche… dégage. »
Mathias me salue d’un geste nonchalant.
« Bonne chance, le bleu. Essaie de pas te faire bouffer par plus gros que toi. »
Avec l’adresse d’Amélie en main et un moyen de contacter Elise, je suis fin prêt à me mettre en route.
« Merci Mathias, et merci à tous les deux de me faire confiance. je vais faire de mon mieux. Bonne soirée à vous. »
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